Monsieur le
Cardinal, chers frères dans l’épiscopat,
Merci, Éminence, pour vos paroles. C’est la première fois que
nous nous retrouvons ensemble depuis ma visite apostolique de 2008 dans votre
beau pays qui est cher à mon cœur. J’avais alors tenu à souligner les racines
chrétiennes de la France
qui, dès ses origines, a accueilli le message de l’Évangile. Cet héritage
ancien constitue un socle solide sur lequel vous pouvez appuyer vos efforts
pour continuer inlassablement à annoncer la Parole de Dieu dans l’esprit qui anime la
nouvelle évangélisation, thème de la prochaine Assemblée synodale. La France possède une longue
tradition spirituelle et missionnaire, au point qu’elle a pu être qualifiée par
le bienheureux Jean-Paul II, d’« éducatrice des peuples » (Homélie, Le Bourget, 30
juin 1980). Les défis d’une société largement sécularisée invitent désormais à
rechercher une réponse avec courage et optimisme, en proposant avec audace et
inventivité la nouveauté permanente de l’Évangile.
C’est dans cette perspective, pour stimuler les fidèles du monde
entier, que j’ai proposé l’Année de la foi, marquant par là le cinquantenaire
de l’ouverture des travaux du Concile Vatican II. « L’Année de la foi est une invitation à une conversion authentique et
renouvelée au Seigneur, unique Sauveur du monde » (Porta Fidei, n. 6). La figure
du Bon Pasteur qui connaît ses brebis, part à la recherche de celle qui est
perdue, et les aime jusqu’à donner sa vie pour elles, est l’une des plus
suggestives de l’Évangile (cf. Jn 10). Elle s’applique en premier lieu aux Évêques dans
leur sollicitude pour tous les fidèles chrétiens, mais également aux prêtres,
leurs coopérateurs. La surcharge de travail qui pèse sur vos prêtres crée une
obligation accrue de « veiller à leur bien, matériel d’abord, mais surtout
spirituel » (Presbyterorum ordinis, n. 7), car vous avez reçu la
responsabilité de la sainteté de vos prêtres, sachant bien que, comme je vous
le disais à Lourdes, « leur vie spirituelle est le fondement de leur vie
apostolique » et, par suite, le garant de la fécondité de tout leur
ministère. L’évêque diocésain est donc appelé à manifester une sollicitude
particulière à l’égard de ses prêtres (cf. CIC, can. 384), plus
particulièrement ceux qui sont d’ordination récente et ceux qui sont dans le
besoin ou âgés. Je ne peux qu’encourager vos efforts pour les accueillir sans
vous lasser, pour agir envers eux avec un cœur de père et de mère et les
« considérer comme des fils et des amis » (Lumen gentium, n. 28). Vous
aurez à cœur de mettre à leur disposition les moyens dont ils ont besoin pour
entretenir leur vie spirituelle et intellectuelle et trouver aussi le soutien
de la vie fraternelle. Je salue les initiatives que vous avez prises en ce sens
et qui se présentent comme un prolongement de l’Année sacerdotale, placée sous
le patronage du saint Curé d’Ars. Elle a été une excellente occasion pour
contribuer à développer cet aspect spirituel de la vie du prêtre. Poursuivre dans
cette direction ne peut qu’être très bénéfique pour la sainteté du Peuple de
Dieu tout entier. De nos jours sans doute, les ouvriers de l’Évangile sont en
petit nombre. Il est donc urgent de demander au Père d’envoyer des ouvriers à
sa moisson (cf. Lc 10, 2). Il faut prier et faire prier pour cette
intention et je vous encourage à suivre avec la plus grande attention la
formation des séminaristes.
Vous désirez que les regroupements paroissiaux que vous êtes
amenés à mettre en place permettent une qualité des célébrations et une riche
expérience communautaire, tout en appelant à une nouvelle valorisation du
dimanche. Vous l’avez relevé dans votre note sur « les laïcs en mission
ecclésiale en France ». J’ai moi-même eu l’occasion de souligner à plusieurs
reprises ce point essentiel pour tout baptisé. Toutefois la solution des
problèmes pastoraux diocésains qui se présentent ne saurait se limiter à des
questions d’organisation, pour importantes qu’elles soient. Le risque existe de
mettre l’accent sur la recherche de l’efficacité avec une sorte de
« bureaucratisation de la pastorale », en se focalisant sur les
structures, sur l’organisation et les programmes, qui peuvent devenir «
autoréférentiels », à usage exclusif des membres de ces structures. Celles-ci
n’auraient alors que peu d’impact sur la vie des chrétiens éloignés de la
pratique régulière. L’évangélisation demande, en revanche, de partir de la
rencontre avec le Seigneur, dans un dialogue établit dans la prière, puis de se
concentrer sur le témoignage à donner afin d’aider nos contemporains à
reconnaître et à redécouvrir les signes de la présence de Dieu. Je sais aussi
qu’un peu partout dans votre pays des temps d’adoration sont proposés aux
fidèles. Je m’en réjouis profondément et vous encourage à faire du Christ
présent dans l’Eucharistie la source et le sommet de la vie chrétienne (cf. Lumen gentium, n. 11). Il est donc nécessaire que dans les
réorganisations pastorales, soit toujours confirmée la fonction du prêtre qui
« en tant qu’elle est unie à l’Ordre épiscopal, participe à l’autorité par
laquelle le Christ lui-même construit, sanctifie et gouverne son Corps » (Presbyterorum Ordinis, n. 2).
Je salue la générosité des laïcs appelés à participer à des
offices et charges dans l’Église (cf. CIC, can. 228 § 1),
faisant ainsi preuve d’une disponibilité dont celle-ci est profondément
reconnaissante. Il convient cependant, d’une part, de rappeler que la tâche
spécifique des fidèles laïcs est l’animation chrétienne des réalités
temporelles au sein desquelles ils agissent de leur propre initiative et de
façon autonome, à la lumière de la foi et de l’enseignement de l’Église (cf. Gaudium et spes, n. 43). Il est
donc nécessaire de veiller au respect de la différence entre le sacerdoce
commun de tous les fidèles et le sacerdoce ministériel de ceux qui ont été
ordonnés au service de la communauté, différence qui n’est pas seulement de
degré, mais de nature (cf. Lumen gentium, n. 10). D’autre
part, on doit garder la fidélité au dépôt intégral de la foi telle qu’elle est
enseignée par le Magistère authentique et professée par toute l’Église. En
effet, « la profession de la foi elle-même est un acte personnel et en
même temps communautaire, et l’Église est le premier sujet de la foi » (Porta fidei, n. 10). Cette
profession de foi trouve dans la liturgie sa plus haute expression. Il est
important que cette collaboration se situe toujours dans le cadre de la
communion ecclésiale autour de l’évêque, qui en est le garant, communion pour
laquelle l’Église se manifeste comme une, sainte, catholique et apostolique.
Vous célébrez cette année le sixième centenaire de la naissance
de Jeanne d’Arc. J’ai souligné à son propos que « l’un des aspects les
plus originaux de la sainteté de cette jeune fille est précisément ce lien
entre l’expérience mystique et la mission politique. Après les années de vie
cachée et de maturation intérieure s’ensuivent deux autres années de vie
publique, brèves mais intenses : une année d’action et une année de passion » (Audience générale, 26 janvier 2011). Vous avez en elle un
modèle de sainteté laïque au service du bien commun.
Je voudrais en outre souligner l’interdépendance existant
« entre l’essor de la personne et le développement de la société
elle-même » (Gaudium et spes, n. 25), du fait que la famille
« est le fondement de la vie sociale » (idem, n. 52). Celle-ci
est menacée en bien des endroits, par suite d’une conception de la nature
humaine qui s’avère défectueuse. Défendre la vie et la famille dans la société
n’est en rien rétrograde, mais plutôt prophétique car cela revient à promouvoir
des valeurs qui permettent le plein épanouissement de la personne humaine,
créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26). Nous avons
là un véritable défi à relever. En effet, « le bien que l’Église et la
société tout entière attendent du mariage et de la famille fondée sur lui est
trop grand pour qu’on ne s’engage pas totalement dans ce domaine pastoral
spécifique. Mariage et famille sont des institutions qui doivent être promues
et garanties de toute équivoque possible quant à leur vérité, parce que tout
dommage qui leur est causé constitue de fait une blessure pour la convivialité
humaine comme telle » (Sacramentum caritatis, n. 29).
D’autre part, à l’évêque diocésain revient le devoir de
« défendre l’unité de l’Église tout entière » (CIC, can. 392 § 1),
dans la portion du Peuple de Dieu qui lui est confiée, bien qu’en son sein,
s’expriment légitimement des sensibilités différentes qui méritent de faire
l’objet d’une égale sollicitude pastorale. Les attentes particulières des
nouvelles générations demandent qu’une catéchèse appropriée leur soit proposée
afin qu’ils trouvent toute leur place dans la communauté croyante. J’ai été
heureux de rencontrer un nombre considérable de jeunes Français aux Journées
mondiales de la Jeunesse
à Madrid, avec beaucoup de leurs pasteurs, signe d’un nouveau dynamisme de la
foi, qui ouvre la porte à l’espérance. Je vous encourage à continuer dans votre
engagement si prometteur, malgré les difficultés.
Pour finir, je voudrais encore vous adresser mes encouragements
pour la démarche Diaconia 2013, par laquelle
vous voulez inciter vos communautés diocésaines et locales, ainsi que chaque
fidèle, à remettre au cœur du dynamisme ecclésial le service du frère,
particulièrement du plus fragile. Que le service du frère, enraciné dans
l’amour de Dieu, suscite en tous vos diocésains le souci de contribuer, chacun
à sa mesure, à faire de l’humanité, dans le Christ, une unique famille,
fraternelle et solidaire !
Chers Frères dans l’Épiscopat, je connais
votre amour et votre service de l’Église, et je rends grâce à Dieu pour les
efforts que vous déployez quotidiennement pour annoncer et rendre efficace dans
vos communautés la parole de vie de l’Évangile. Que par l’intercession de la Bienheureuse Vierge
Marie, patronne de votre cher pays, et celle des saintes co-patronnes Jeanne
d’Arc et Thérèse de Lisieux, Dieu vous bénisse et bénisse la France !
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