Sage-femme et titulaire d’un Master de la première promotion de l’Institut Jean Paul II, Juliette Chové rencontre les couples infertiles ou hypofertiles. Elle leur donne des raisons d’espérer, sous la protection de sainte Anne, en Bretagne, près de Vannes, à Auray, où Jean-Paul II avait rencontré les familles, le 20 septembre 1996. Elle vient de publier, ce mois de septembre un livre au titre significatif: « Soyez féconds et multipliez-vous » (Téqui, 11 €). Et elle confie à Zenit la dynamique de son engagement au service de la Vie humaine: un thème qui fera partie de la réflexion des membres du synode des évêques sur la famille en octobre prochain.
Zenit - Vous avez un Master en fertilité et sexualité conjugale obtenu à l’Institut pontifical Jean Paul II (aujourd'hui dépendant de l'Université du Latran, à Rome). Quel est cet Institut ?
Juliette Chové - L’Institut pontifical Jean-Paul II pour les études sur le mariage et la famille a été fondé par Jean-Paul II lui-même en 1981. Reconnu comme le "Pape de la famille", il a voulu un lieu pour que ceux qui interviennent au service des familles puissent recevoir une formation de type universitaire en Eglise. Ainsi, prêtres, séminaristes, religieux, laïcs, en charge de l’éducation affective et sexuelle des jeunes, de la préparation au mariage, de l’accompagnement des couples et des familles, de l’enseignement des méthodes naturelles de régulation de la fertilité, etc. qui suivent les cours, peuvent alors promouvoir la vision de l’Eglise catholique sur l’amour humain et la sexualité dans le plan de Dieu. L’enseignement est basé sur les catéchèses du début du pontificat de Jean-Paul II, rassemblées sous le titre de Théologie du Corps, et sur les encycliques qui concernent la famille : Humanæ Vitæ, Familiaris consortio, Deus caritas est.
Zenit - Vous habitez près du sanctuaire de Sainte Anne d’Auray (Bretagne, France). Quel est son histoire ?
Juliette Chové - Ce lieu est marqué depuis de nombreux siècles par la dévotion à sainte Anne, probablement dès le début de la christianisation de cette région.
Cette dévotion s’est particulièrement développée depuis 17e siècle, après des apparitions de sainte Anne à Yvon Nicolazic, un paysan breton, respecté pour sa droiture et sa piété, auprès de qui ses voisins viennent souvent demander conseil. Nicolazic est d’abord guidé par une main tenant un flambeau qui l’accompagne les soirs où il travaille tard et voit parfois une dame vêtue de lumière. Le soir du 25 juillet 1624, veille de sa fête, elle se révèle à lui comme Anne, mère de Marie et lui demande de reconstruire la chapelle qui lui était dédiée et qui a été détruite – sainte Anne est très précise – il y a 924 ans et 6 mois, parce que, dit-elle, Dieu veut qu’elle soit honorée ici.
Le clergé est d’abord très réticent pour reconnaître que la vision de Nicolazic vient du Ciel. Sainte Anne encourage le voyant qui subit multiples brimades.
Le 7 mars 1625, guidé par le flambeau lumineux, Nicolazic découvre une statue représentant sainte Anne, qui était vénérée dans les premiers siècles avant que la chapelle ne soit détruite, et qui était enterrée dans un champ. Dès le lendemain, des pèlerins, prévenus mystérieusement, commencent à arriver à Ker Anna. Devant la foule qui se rassemble près de cette statue, l’évêque de Vannes ordonne une enquête ecclésiastique. La vénération de la statue de sainte Anne est finalement autorisée et la chapelle peut être rebâtie sur son lieu d’origine sous la direction de Nicolazic lui-même.
Après les apparitions, Nicolazic et sa femme Guillemette qui souffraient de stérilité ont pu voir naître quatre enfants à leur foyer. Leur premier fils est né après une douzaine d’années d’attente et de prière confiante à sainte Anne.
Les pèlerins n’ont jamais cessé de venir à Sainte Anne d’Auray, même dans les périodes troubles comme lors de la révolution française ou les guerres. C’est une grande grâce pour le diocèse de Vannes que d’avoir ce sanctuaire où chacun peut venir confier à l’aïeule du Christ joies et peines, que l’on soit marié ou célibataire, avec ou sans enfant, laïc ou consacré, etc.
Les couples en attente d’enfant viennent prier sainte Anne et Nicolazic, qui ont connu l’épreuve de la stérilité.
La reine Anne d’Autriche elle-même a invoqué sa sainte patronne. De nombreux autres couples plus anonymes ont témoigné de l’intercession de sainte Anne pour eux.
Zenit - Ainsi, ce sanctuaire a, dès son origine, une spécificité concernant les couples infertiles ou hypofertiles. Aujourd’hui comment cela se traduit-il ?
Juliette Chové - L’histoire de la stérilité d’Anne et Joachim et de la naissance miraculeuse de la sainte Vierge est rappelée tout simplement dans les cantiques traditionnels que nous chantons lors de la messe tout au long de l’année. D’ailleurs, la liturgie du 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge, est particulièrement solennisée. L’histoire de la naissance des enfants de Nicolazic est quant à elle rappelée lors de la veillée du Grand Pardon (fête de Sainte Anne) et d’un son-et-lumière racontant les apparitions.
Depuis 2009, à l’initiative d’un couple de Sainte Anne d’Auray, un pèlerinage officiel a lieu début septembre. Des couples se rassemblent pour prier ensemble, pour partager, pour se former et se soutenir les uns les autres. Des témoignages de ceux qui ont participé montrent combien cette journée les a ressourcés, encouragés. Certains ont eu la joie d’accueillir un enfant suite à ce pèlerinage.
Les couples peuvent aussi venir en pèlerinage à n’importe quel moment de l’année se recueillir auprès de la statue de sainte Anne ou du tombeau de Nicolazic. Ils peuvent écrire une intention de prière ou une action de grâce sur le cahier dédié à cet effet, et visiter ce que nous appelons la salle du Trésor, dans laquelle sont exposés de nombreux exvotos offerts en remerciement d’une grâce particulière reçue en priant sainte Anne. Parmi ces objets, on trouve de nombreux articles de layette, déposés par des couples autrefois infertiles qui remercient sainte Anne.
Zenit - Comment distinguer l’infertilité de l’hypofertilité ?
Juliette Chové - Il faut simplement se référer aux définitions données par l’OMS. L’infertilité est l’absence de conception après un an de rapports sexuels ouverts à la vie. L’hypofertilité concerne les couples qui ont démarré une grossesse sans pouvoir la mener à terme : c’est le cas des couples ayant vécu des fausses-couches. Si l’infertilité ou l’hypofertilité peuvent être éventuellement corrigées par une prise en charge médicale, la stérilité quant à elle est l’impossibilité définitive de concevoir. Cela concerne 3 à 4% des couples. C’est un terme qui sonne un peu comme un « couperet » et c’est pour cela que l’on parle plus d’hypofertilité ou d’infertilité.
On peut préciser aussi la notion d’infertilité « primaire », c’est-à-dire pour les couples qui espèrent un premier enfant, ou « secondaire », pour les couples qui rencontrent des difficultés après la naissance d’au moins un enfant.
Zenit - Des exemples de la Bible peuvent-ils nous aider à vivre avec cette souffrance ?
Juliette Chové - En lisant l’histoire d’Anne et Joachim, j’ai réalisé que Joachim avait imploré Dieu en lui rappelant son œuvre pour Abraham et Sara, tandis qu’Anne avait été consolée en se souvenant de son aïeule Anne, mère de Samuel. L’histoire de ces couples de la Bible ayant connu la stérilité peut parler aux couples d’aujourd’hui : leurs réactions, leur prière, leur cri, leur chemin de foi, leur soumission progressive au plan de Dieu sur eux. Elle nous montre que Dieu est présent aux côtés de ceux qui souffrent, qu’Il les veut et qu’Il les rend féconds. Ces récits rappellent aussi que tout enfant est un don de Dieu, à recevoir, en ouvrant son cœur, et en se laissant éventuellement éduquer, purifier par Lui, pour peut-être mieux le recevoir et l’élever sous le regard du Père.
Propos recueillis par Christian Redier
(15 septembre 2014) © Innovative Media Inc.
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